Exposition
Léonard Simond
Dessins
2015
Léo a entrepris de cartographier la planète. Consigner les noms des lieux dans toutes les langues vernaculaires, en les localisant très précisément selon les longitudes et latitudes qu'il a préalablement tracées sur ses grandes feuilles, c'est sa manière à lui de voyager. Ces appellations aux sonorités exotiques telles qu'il les calligraphie et la musique qu'elles lui inspirent sont certainement plus poétiques et plus excitantes pour l'imagination que les lieux eux-mêmes.
Marcel Proust raconte que, dans son enfance, il se plongeait dans la lecture de l'indicateur des chemins de fer, en fantasmant sur des localités dont la visite, par la suite, ne pouvait que le décevoir. Léo, lui, se dispense de ce genre de vérification, il se contente des lieux-dits (si l'on prend l'expression à la lettre). Il aurait pu souscrire à la déclaration de Samuel Beckett: «Je suis peut-être con, mais pas au point de voyager! ». N'allez surtout pas à Valparaiso! Contre-épreuve: quand, pour une fois, il s'est décidé à aller réellement en Jamaïque, il a passé l'essentiel de son temps dans sa chambre d'hôtel… à dessiner des cartes de géographie.
D'ailleurs, qu'est-ce que la réalité d'un voyage? Que reste-t-il qui ne soit filtré par l'itinéraire, le guide illustré, les sites incontournables, l'œil de la caméra, bref, tout ce qu'implique le simple mot «tourisme»? Léo se passe volontiers de cet alibi touristique, il va à l'essentiel: le stylo à la main, il se livre à sa passion du signifiant géographique jusqu'à lui accorder l'exclusivité. Or, la coïncidence des extrêmes veut que le signifiant se réincarne: ces vastes surfaces cartographiées, irriguées par les réseaux fluviaux, prennent une consistance épidermique et charnelle étrange.
Léonard Simond est né à Orbe en 1974.
Michel Thévoz