Anne-Marie Gbindoun
Peintures 2015
Dessins 2012
Lorsque Anne-Marie Gbindoun a décidé, il y a huit ans, de se confier à ses carnets pour y raconter “ce qui s’était passé”, elle a été elle-même surprise de voir que son écriture se révélait d’emblée illisible. Les lettres de l’alphabet laissaient la place à des signes graphiques personnels. Souples et déliés, les tracés improvisés s’inscrivaient et se bousculaient avec fièvre sur le papier, page après page. La jeune femme avait libéré en elle des pulsions créatrices qui donnaient corps à des inscriptions insoupçonnées.
Cette singulière écriture, dégagée du système alphabétique, s’est peu à peu détachée aussi de la linéarité, et des figures humaines ont fait irruption. Anne-Marie Gbindoun sait précisément identifier ces groupes de silhouettes, issues de sa mémoire meurtrie, mais elle parvient également à leur donner un caractère symbolique, en n’évoquant ainsi qu’à demi-mots le drame qui se lit en filigrane.
Anne-Marie Gbindoun crée sans esquisse ni dessin préparatoire. Aucune idée préconçue ne préside à la réalisation de ses compositions. Elle suit chaque matin un rituel simple, commençant par boire plusieurs tasses de thé, avant de s’installer à sa table de travail et de choisir parmi ses feutres celui à la pointe émoussée ou celui à la pointe nette. Favorisant un état de réceptivité et d’émotion, elle donne alors libre cours à son imagination et laisse courir dans un geste hâtif les signes d’encre sur le papier. «Je ne suis plus là, je suis dans les sphères invisibles», dit-elle. La création n’est ni décidée ni dirigée, elle advient.
Pour réaliser ses œuvres les plus récentes, Anne-Marie Gbindoun a continué de travailler dans des cahiers (dont les feuilles ont été détachées pour cette exposition), trouvant dans ce support une dimension intime nécessaire à son expression. On comprend aisément qu’elle continue d’appeler ses nouvelles compositions «mes écritures», tant elles ont gardé un caractère nettement scriptural. Y compris les têtes qui surgissent isolément sur la page, et qui constituent des autoportraits troublants.
Lucienne Peiry, août 2012
Anne-Marie Gbindoun est née en 1968 à Cotonou au Bénin. Elle y a vécu jusqu’à l’âge de onze ans puis a résidé à Paris pendant six ans, avant de voyager en Europe. Depuis vingt ans, elle est établie à Lausanne.
Peintures et dessins 2010